Histoire militante du site de Repainville

par Martine Fauchard.

Lors des élections municipales de 1995, la ville de Rouen passe à Gauche pour la 1ère fois,
8 élu-e-s écologistes et représentants de la société civile seront dans la majorité plurielle (contre 3 dans l'opposition pendant le mandat précédent). La répartition des rôles fera que le groupe sera composé de 3 élu-e-s, 2 conseillers municipaux délégués et 3 conseiller-e-s municipaux. Ils ont droit à du personnel : 1 chargé de mission et 1 assistante. Je postule et je suis embauchée 1 an après, donc en 1996.
C'est parti pour 5 ans avec le groupe Rouen Verte 2000.

Le contrat co-signé avec la majorité, PS-PC-RDG, dans lequel nous avions mis « la préservation des espaces verts et naturels » prend un coup de couteau en janvier 1998 quand une délibération prévoit l'installation d'un hypermarché du bricolage sur les dernières terres maraîchères de la ville, je  connais le site et je les invite à visiter, nous en ferons le tour.
Le lieu est en sortie de ville, longé par une voie rapide d'un côté, et de l'autre par un talus et une voie ferrée.  
Ils découvrent 3 espaces maraîchers dont 2 avec leurs maisons, 1 espace jardins ouvriers, 1 casse automobile et la mare.
En bordure de route il y a 1 station essence et 1 de lavage de voiture, tout ça sur une surface de 10 ha environ.
La vision des écolos est claire : il fallait que le site reste naturel, les maraîchers partant à la retraite dans les 5 années à venir, la Ville doit préempter les terres.

Les élu-e-s  écolos décident de voter contre cette délibération mais la majorité l'emporte.
Le désaccord sera profond car le Maire croit que l'avenir est uniquement dans le commerce et aux dividendes qu'il peut en tirer pour la commune. Il est décidé à ne pas lâcher la poule aux œufs, et les écolos non plus. Ils savent que les sites humides sont protégés par l'Europe.
Nous décidons d'en apprendre plus par tous les moyens de la mairie (archives et différents services municipaux), et nous apprendrons que la Ville possède une bonne moitié du site !!
Nous allons à la rencontre des gens sur le site et nous les informons de notre volonté de ne pas laisser s'installer une surface commerciale.  
Le maraîcher est déçu car la ville ne rachètera pas au même prix que l'enseigne commerciale, les jardins ouvriers sont là à titre gratuit et pensent faire partie du projet car ils n'ont pas été informés qu'ils devaient arrêter leur activité, l'autre maraîcher et l'autre maraîchère sont locataires de la Ville et ils partent bientôt à la retraite, la casse automobile est propriété privée.
Nous en avons profité pour découvrir les 3 sources, le parcours des ruisseaux, la mare avec la faune et la flore qui l'entoure, elle est entourée de barbelés.
Nous savons que les combats écologistes sont durs et que nous en avons pour plusieurs années.
Les élu-e-s municipaux Catherine Dupray et Jean-Pierre Lancry seront mobilisés sur ce dossier. Les Verts de Rouen et de l'agglomération rejoignent Rouen Verte 2000 et décide de faire connaître l'affaire aux habitants par le biais de tracts et pétitions, essentiellement distribués sur le marché St Marc et le quartier du mont Gargan.
On conseille aux jardiniers des jardins familiaux de fonder une association.
À la municipalité, les écolos ont la délégation « démocratie participative », nous proposons de mettre en place une concertation publique. À cette occasion, le 16 avril 1998, 2 articles de presse paraissent sur le sujet : dans le journal local et dans celui de l'agglomération, puis 1 les mois suivant. En juin, la 1ère réunion publique réunit 60 personnes. Le maire est furieux mais nous aussi.
Nous faisons un parrainage d'enfants avec les jardins familiaux fin juin, les journalistes sont là.

Début juillet 98, au dernier conseil municipal avant les vacances, les jardiniers des jardins familiaux et des militants offrent un panier de légumes au maire, et là c'est la cata ! Le maire dit que « les jardins actuellement exploités le sont sans autorisation ni organisation, qu'il y a des cabanons partout et que peu de jardiniers sont rouennais ; qu'il ne serait pas raisonnable de renoncer à la prochaine mise en valeur du site qui représente un investissement pour la ville" (sic) Jardiniers, militants étions attérés, les élu-e-s du groupe ont su tenir leur discours
Lors du conseil municipal du 2 octobre 98 le projet de création de ZAC de Repainville est voté à la majorité. Nous devons monter des dossiers plus important et avons besoin de temps. Nous faisons une demande de sursis à exécution et une demande d'annulation au tribunal administratif,
 le 5 février 99 le commissaire du gouvernement conclu au rejet, nous réitérons en mettant plus de fond. Une nouvelle délibération doit être votée fin mars, elle passe avec un dossier plus conséquent. Une enquête publique peut être lancée le 30 avril.
 Nous organisons des événements sur place, dont en septembre les 1ère journée du patrimoine naturel, tous annoncés dans les 3 journaux locaux . Nous continuons aussi à faire signer les pétitions contre le projet municipal ;
Nous ne lâchons plus le site, c'est le printemps, et fin avril c'est plus de 400 personnes qui trouvent l'entrée du site,
L'histoire qui parait régulièrement dans la presse fait parler sur les terrasses et dans les bars, du coup beaucoup de personnes se rendent sur le site qui est devenu une « curiosité » puis un vrai plaisir à y être.
 Le 30 avril, nous remettons au commissaire enquêteur 1400  signatures dont 200 du quartier du mont Gargan, nous présentons une étude récente « schéma d'armature commerciale Rouen-Elbeuf » qui souligne qu'il y a suffisamment de surface de vente de ce genre surtout rive droite de Rouen, l'impact sur la création d'emploi devient donc un argument caduque, nous parlons aussi de l'importance écologique de la zone humide.
Nous avons la presse qui reprend notre travail.

Mai 99 – élections européennes Dany Cohn-Bendit vient en meeting à la halle aux toiles, il reçoit les jardiniers  et pose avec eux pour la photo de presse. Le résultat aura des conséquences car il ya aura 14% de vote écologique.
En mairie, c'est chaud entre Verts et PS.
L'inventaire de la flore et de la faune des jardins de Repainville faisait le « canard à la rouennaise » du quotidien local Paris-Normandie, et était repris par le journal de l'arrondissement de Darnétal.
Début juin 99, 1ère journée nationale Le printemps de l'Environnement, on en profite pour organiser une animation, visite de la faune et flore, les sources et ruisseaux par les jardiniers. On s'inscrit  mais on ne paraît pas dans le programme municipal, les journalistes relaient alors l'info via leur canard à la rouennaise.
Nous avons 1 article dans la presse Décision Environnement où l'adjoint au maire, Catherine et le président des jardiniers sont interviewés.
Nous passons l'été sur le site.
fin juin : feu de la St Jean  mime, théâtre et musique acoustique
et Les Verts qui fêtent leur victoire aux élections, le site ne désemplit pas.
20 juillet : la commission départementale d'équipement commerciale qui devait se prononcer sur le projet d'agrandissement reporte sa réponse au 7 septembre,
En août, c'est la revue  Combat Nature qui titre «  Sauver les jardins familiaux et les terrains maraîchers de Repainville » avec photo.

début septembre 99 le bruit court que le projet commercial serait retiré, en effet Casto abandonne son projet. A partir du 4 septembre les journaux titraient: Repainville Les jardins sont sauvés! Mais le principe de la ZAC est acté par la délibération de janvier 98.  
Nous devons travailler pour préparer le prochain Plan d'Occupation des Sols afin d'annuler le droit de construction sur ces terres, une enquête publique du 12 octobre au 12 novembre 1999, pour la réalisation de travaux relatifs à la gestion des eaux pluviales sur la ZAC de repainville  paraît dans le journal ,,, c'est reparti pour la mobilisation... à déposer dans le cahier de l'enquête publique.
Après le déménagement des maraîchers nous squattons la maison que la ville a murée.
En février 2000 on attendait la décision du préfet, les élections municipales se profilent, elles auront lieu en mars 2001. Le Ps redouble sa communication en intégrant l'aménagement du lieu en ZAC . La scission est faite avec les écolos qui se présentent seuls  aux municipales. La gauche perd le pouvoir et tous se retrouvent dans l'opposition.
Les centristes conservateurs de droite nous permettent l'accès site entier.

En été 2003, nous apprenons que le site est sauvé du bétonnage.
GRANDE VICTOIRE DE LA NATURE SUR L'ECONOMIE.
En septembre 2003 nous créons l'ASsociation pour la Protection du Site Naturel de Repainville ; mais nous n'aurons rien de plus que la mise à disposition de la maison, du matériel et le service des espaces verts par la mairie.

Historique de la création de l’Association pour la Protection du Site Naturel de Repainville

Philippe Vue - février 2005
 

De l’automne 96 à  septembre 99 : lutte contre l’installation de Castorama sur le site et pour la conservation des jardins familiaux

Le 27/9/2003 : quelques militants investissent la maison de l’ancienne maraîchère. La démolition de cette maison ayant été décidée quelques jours auparavant par la ville de Rouen. [...] Le maire de Rouen et son adjoint à l’urbanisme viennent (dans les 48 h) constater l’occupation et reconnaissent qu’il y a lieu de conserver cette habitation et de valoriser le site naturel.

Le 5 octobre est créé l’ APSN Repainville.

Novembre 2003 : 50 000 € sont votés au Conseil Municipal de Rouen pour l’étude d’un projet qui sera réalisé par un bureau d’études. Cette étude englobe tout l’espace naturel de la vallée.
L’association fait des propositions d’utilisation et d’aménagement (3 groupes de réflexion mis en place dans l’association dans ce cadre). Ces propositions sont transmises au bureau d’études. Plusieurs rencontres ont lieu entre les représentants de l’APSNR et le bureau d’études.

14 mars 2004 : présentation à la presse de nos propositions.

9 octobre 2004 : Repainville est qualifié en « espace naturel protégé » dans le Plan Local d’Urbanisme (P.L.U. qui remplace le P.O.S.). A la suite, en novembre : rencontre avec le directeur du service municipal des espaces verts.

18 novembre 2004 : rencontre sur place avec des syndicalistes Palestiniens. Présence de la Confédération Paysanne. Action symbolique en faveur du droit à la terre.

Décembre 2004 : Mr et Mme Boulard, maraîchers sur le site prennent leur retraite et quittent leur habitation située de l’autre côté de la voie expresse, sur la commune de Darnétal. La mairie de Darnétal projette la construction d’un hôtel à l’emplacement de leur maison et du terrain agricole la jouxtant.
Pourtant un couple de maraîchers est intéressé par la reprise de l’exploitation et de l’habitation.
31 décembre 2004 : avec la Confédération Paysanne, l’APSNR manifeste au pied de la tour Carville pour le maintien de l’activité de maraîchage sur le site.

6 janvier 2005 : réunion avec la mairie de Rouen. l’APSNR demande à la mairie d’acquérir le terrain de la casse auto, de gérer les cours d’eau du site, d’aménager un accès par la voie rapide, de mettre en place une boucle-promenade entre la côte Ste Catherine, Repainville et la rue des petites eaux du Robec.
Discussion autour d’une convention entre la mairie de Rouen et l’association comprenant l’installation de nouveaux maraîchers sur les terrains agricoles appartenant à la ville de Rouen.

Le 18 mars, cette convention sera proposée au vote du conseil municipal de Rouen. Par cette convention, l’occupation du site est reconnue et devient légale.